LA FOUDRE GOUVERNE TOUTES LES CHOSES
Etrédir
La foudre gouverne toutes les choses
Autour des Esquisses
La foudre gouverne toutes les choses
Là où vous serez seulement trois réunis en mon nom, je serai parmi vous.
Matthieu 18-20
L’installation de sculptures « La foudre gouverne toutes les choses » a été l’une des tentatives pour se rapprocher d’une vérité insaisissable, celle de l’Esquisse.
(…) « À l’origine de ces sculptures se trouvent des esquisses en terre, très vagues, presque informes. »
Personnage en habit de moine (blaireau); travertin de Sienne, h=70cm
(…) Ainsi commençait le premier d’une série d’écrits avec lesquels j’ai tenté, à plusieurs reprises, de rendre compte de ce phénomène, de ce fait incontournable, de cet événement, de cet avènement: l’apparition brutale et aveuglante, devant moi, d’un sens. Non pas d’un sens donné, « prêté », mais d’un sens qui jaillissait impérieux, qui jaillissait d’une profondeur, d’un ombre à laquelle il donnait, par ce fait même, corps et matérialité.
Personnage en habit de moine (blaireau)
(…) À la surface d’une poignée d’argile pétrie d’une main rêveuse, des présences fugitives, étranges, mais aussi obstinées – obstinément étranges – affleurent et se succèdent, comme à la surface d’une eau noire et profonde, agitée de remous.
Personnage en habit de moine (blaireau); plâtre, h= 40cm
(…) Si la main qui a modelé l’Esquisse avait été volontaire, laborieuse, les points qui forment sa surface auraient été animés, orientés par ses intentions, et même si celles-ci étaient encore indécises, il aurait déjà fallu parler d’une écriture – une écriture dont cette Esquisse aurait été l’ébauche. Mais s’agissant d’une main rêveuse, c’est à dire d’une main abandonnée, inattentive, une main sans objet, ne doit-on pas considérer cette Esquisse comme partie et trace du monde lui-même, dans ce qu’il a d’irréversible, d’unique, d’inattendu ?
plan de chacune des chambres du labyrinthe
(…) Qui sont ces personnages ? que sont ces personnages ?
les parois de ces chambres sont faites de volumes
(…) Cet abîme obscur que chaque personnage porte en lui, et qui rayonne autour de lui, est sa vérité. Non pas comme le vrai s’oppose au faux, mais comme il s’oppose au simulé, et parce qu’il porte encore l’empreinte d’une origine enfouie, précieuse. Vérité non pas comme qualité de ce qui est logiquement vrai, mais comme qualité de ce qui jaillit, ou sourd, et témoigne d’une force souterraine, d’une réserve inaccessible, et par conséquent, puisque rien de ce qui est précieux n’est infini, qualité de ce qui s’use et se consume, s’épuise.
délimitant des patios
(…) Mais cet obscur secret, qui n’est pas inépuisable et d’où jaillit la claire vérité, prend sa force, précisément – dans ce qu’il a d’obscur et de secret, d’inexplicable. C’est pourquoi la vérité, outre qu’elle est jaillissante et vouée à l’épuisement, semble aussi toujours étrange.
10 chambres et deux patios
(…) Ainsi, la main laborieuse échoue à retrouver l’Esquisse. Pourtant, à force de frôler cette vérité fugace, elle finit par circonscrire un espace à l’intérieur duquel celle-ci soit, non pas enfermée, mais accueillie, invoquée. Peu à peu, à chaque Esquisse elle dédie un abri.
(…) Chacune des chambres forme une bifurcation, conduisant à deux autres chambres. À intervalles réguliers s’y forment des patios. Chacun communique avec quatre chambres distinctes.
(…) Chaque destin déroule un fil, chaque visiteur cherche son Minotaure. Mais celui-ci est éclaté en mille fragments… L’errance de l’un parviendra-t-elle à recomposer une image de l’autre ?
(…) Si cette vaste pyramide, à l’instar des échafaudages hermétiques de la Renaissance, n’est autre qu’une structure mentale, une structure de mémoire, à quel mystérieux personnage appartient-elle ? Si – par impossible – elle pouvait être réalisée dans toute son étendue, et si un visiteur hypothétique avait le temps et la patience d’en arpenter entièrement la base (mais pour traverser cet espace infini, ne lui faudrait-il pas se déplacer à la vitesse de l’éclair ?), alors toutes ces ombres, tous ces spectres se superposant dans son esprit ne finiraient-ils pas par y recomposer la souvenir de leur lumière originelle, et ne finirait-il pas lui-même par ressembler à ce personnage, par se confondre avec lui ?
La foudre gouverne toutes les choses. Toutes les choses éparses, traversées par la foudre, illuminées par elle, se rassemblent pour un instant.