Le « fil continu » de Christophe Loyer
Le titre est clair, « Un Fil Continu » relie dans le temps et dans l’esprit les divers thèmes exploités par Christophe Loyer. On se souvient de « La foudre gouverne toutes les choses » installée dans l’Ancienne Boucherie de Schiltigheim en 1997 sans oublier « les Arpenteurs Célestes ». « Un Fil Continue » relie les équilibristes, petites personnages modelés en cire, en terre et fondus en bronze, sculptures suspendues qui composent Le Cirque Philosophique. Ces êtres mythiques (femme, grand-mère, chien, loup, acrobate aveugle, etc…) modifient la forme, la trajectoire de ce lien tangible qui, sans les assurer, les laisse au dessus du vide, exposés à toutes interrogations. L’espace extérieur les éloigne des uns des autres alors que chaque action conditionne celle du « connecté » dans la verticalité, l’horizontalité, les croisements. Invisible comme chez l’homme, leur espace intérieur, leur silence, est l’ouverture où toutes philosophie, métaphysique et morale peuvent se loger ! Ce dialogue interrompu parle du temps, de la règle, du jeu et au final du destin. Entre eux, il est question d’équilibre, d’âge… ce fil continu est aussi celui des générations : la grand-mère cabaliste lourde d’années et de savoir nécessite un équilibrage subtil. Chaque pièce est réalisée par le sculpteur, la patines, bronze, vert de gris, rouille ont aussi un sens symbolique. Les cinq pièces qui tentent « L’Exploration du temps » figurent trois « Oublis » et deux « Mémoires ». Complémentaires, car l’oubli est nécessaire à la mémoire, fil abandonné, fil flottant ne sont plus conducteurs de la pensée et temps dominé par un loup totémique est ici suspendu, visualisé dans la verticalité ou l’horizontalité de la pièce.
Ce qui fascine dans le travail de Christophe Loyer, c’est que si, en première lecture, on croit comprendre et reconnaître l’histoire qu’un quelconque petit Chaperon rouge, par la suite, on s’interroge : pourquoi le miroir, le reflet, l’or et le couleurs alchimiques ? Aux lectures suivantes, on rentre en soi-même, dans cet abîme souvent plus vaste que celui que ces funambules surplombent.
Aux murs, quelques dessins de personnages incertains, réalisée ces derniers dix ans témoignent de « l’étrangeté absolue de l’être inexplicablement à la fois ici et ailleurs ».
Un très riche one-man show…
Julie Carpentier
Dernières Nouvelles d’Alsace, 25 mars 1999