Trous blancs
… Il y a l’espace construit, la sculpture de Christophe Loyer, « Chant des regards pour quatorze points de vue », et l’espace fugitif, « Résistance », de Marc Vincent ; deux modes d’expression qui vont se recouvrir mutuellement dans un nouveau parcours : au croisement de ce métissage entre deux cultures artistiques émerge un rythme, une circularité stroboscopique de l’événement, scandée dans l’oscillation des points de vue…
Une lumière pneumatique altère la vision du cube, qui devient imperceptiblement un œuf : un volume ovoïde, sans centre, gonflé de lumière et ajouré en son pourtour d’interstices ; l’éclairage des écarts verticaux fractionne la structure ; le vide prend corps, devient plénitude, mais son centre échappe à chacun des regards. Car la lumière blanche, presque trop blanche, comme aveuglante, gomme l’identité architecturale du cube, dévorant ses points d’équilibre, à savoir ses quatre angles d’appui. Le carton dont est fait la scénographie perd son statut de contenant. Il n’a plus de fond…
… Un volume sans centre, sans axe de rotation, un volume en expansion, expansion promise à la diffraction de la lumière blanche de la construction. Construction détourée de trous blancs, trous blancs comme entailles du rythme…
Résistance nous cueille en périphérie, nous place au pourtour de l’œuvre, pourtour configuré en son mi-lieu, un seuil aporétique vécu par dissémination visuelle. Dans cette dispersion des regards, le corps dansé arrive comme point focal fuyant, lieu d’élaboration de l’œuvre, élaboration vécue différemment par chacun des quatorze interstices. Ceux-ci cadrent le regard du spectateur…
Véronique Missud, 1999
Extraits d’une thèse de doctorat en arts plastiques et sciences de l’art, Paris I.
À propos de la pièce Déviance de Marc Vincent, à l’intérieur du dispositif « Chant des regards pour quatorze points de vue » de Christophe Loyer.